Les réseaux privés au service de la transformation numérique
Dans les années 1850, pour envoyer des messages « high-tech », il fallait prendre son cheval pour se rendre à la station télégraphique Western Union la plus proche et débourser un dollar pour que l’opérateur transmette votre message de cinq mots sur ses lignes télégraphiques. Aujourd’hui, ce modèle d’infrastructure louée et payée à l’utilisation s’est prolongé jusqu’à l’ère cellulaire des opérateurs de télécommunications.
Lorsque la technologie sans fil nous a permis de connecter les gens en réseau grâce aux smartphones, puis de mettre les objets en réseau grâce à l’IoT, il n’est pas surprenant que les opérateurs de réseaux publics aient eu envie d’étendre leurs modèles d’abonnement. Ils ont étendu leurs réseaux du filaire au sans fil, en payant pour des bandes de spectre RF sous licence au lieu de kilomètres de câblage, et ont étendu leurs modèles d’abonnement pour inclure les données.
Les opérateurs publics n’ont toutefois pas capté tout le marché des communications sans-fil. Le Wi-Fi s’est imposé comme le réseau sans fil omniprésent pour la connectivité informatique à la maison et au bureau. Les bandes de communication sans fil sans licence et un énorme écosystème de fabricants d’équipements basés sur des normes ont permis le déploiement de réseaux privés, dans les foyers, les bureaux et les campus, permettant aux utilisateurs d’utiliser leur propre équipement d’infrastructure réseau sans frais d’abonnement mensuel.
Avec la maturation de l’Internet des objets et de ses technologies sans fil, une macro-tendance similaire se développe vers un mélange de réseaux sans fil publics et privés. Le réseau privé, comme son nom l’indique, permet à l’entreprise d’être propriétaire de son réseau, ce qui permet un plus haut degré de contrôle, de sécurité et de maîtrise des coûts.
Dans les technologies cellulaires et LPWAN, le modèle de réseau privé gagne rapidement du terrain, tandis que le modèle de l’opérateur public s’essouffle. La récente mise en redressement judiciaire de Sigfox et l’abandon du LPWAN par un opérateur public de réseau LoRaWAN® en France ne font que renforcer la situation difficile de ces opérateurs traditionnels qui cherchent à posséder les réseaux sans fil acheminant le trafic IoT, y compris les données issues des capteurs, un trafic qui génère de faibles volumes de données et de revenus par connexion. C’est un grand saut par rapport au marché traditionnel des smartphones et cela soulève des questions sur la capacité d’adaptation à la baisse du modèle économique des réseaux loués pour couvrir le trafic issu des capteurs communicants.
Pourquoi alors les réseaux privés ont-ils un tel attrait pour l’IdO ?
L’économie de l' »IoT massif » crée un problème de retour sur investissement. Il est difficile pour les entreprises d’engager des dépenses opérationnelles supplémentaires chaque fois qu’elles ajoutent une autre catégorie ou un autre groupe d’objets à leur portefeuille d’équipements connectés. Le retour sur investissement pour connecter chaque véhicule d’une flotte commerciale peut être très élevé, mais pour étendre cette connectivité jusqu’à chaque palette, il faut un modèle de coût différent.
Lorsque les opérateurs cellulaires traditionnels ont manqué de motivation pour étendre leur couverture et leur modèle économique aux appareils dont le budget communication est d’un dollar par mois, voire un dollar par an, la porte s’est ouverte pour permettre à de nouvelles technologies LPWAN d’entrer sur le marché. Sigfox et LoRaWAN sont apparus comme des concurrents viables pour répondre au marché des réseaux de capteurs sans fil à faible bande passante et à longue portée, en utilisant des modèles économiques différents.
Sigfox a adopté l’approche d’un opérateur public et d’un système fermé, avec des prix pouvant aller jusqu’à moins d’un dollar par mois pour connecter des capteurs à son réseau.
LoRaWAN, quant à lui, a opté pour un modèle commercial ouvert et adaptable, basé sur des normes. Cette approche couvre à la fois les architectures de réseau privées et publiques, offrant la possibilité de choisir entre un modèle semblable à celui de Wi-Fi, où l’utilisateur achète et entretient son propre réseau, et un modèle d’offre de réseau public avec facturation à l’utilisation ou via un abonnement. Avec Sigfox en redressement judiciaire et LoRaWAN qui connaît une croissance rapide, il est évident que le marché a voté pour son modèle préféré.
Sécurité, stabilité et contrôle
Les réseaux sans fil d’aujourd’hui sont hautement sécurisés, mais il est toujours plus rassurant de savoir que les données ne quittent jamais le réseau. Les réseaux publics peuvent souffrir d’un manque de contrôle, notamment de la part de l’utilisateur. En dehors de la négociation et du paiement des contrats de niveau de service avec le fournisseur de réseau public, les utilisateurs n’ont aucune idée s’ils partagent une infrastructure louée avec 2, 20 ou 20 000 autres appareils ou de la demande que ces autres appareils exercent sur l’infrastructure. Avec une infrastructure de réseau sans fil privé bien conçue, les utilisateurs ont le contrôle sur le nombre, le type et le comportement des appareils connectés.
Les architectures de réseau privé offrent également la possibilité de tirer parti de différents types d’architecture, telles que les capacités d’intelligence périphérique (edge computing), où la prise de décision se fait à la périphérie du réseau, sans exiger que toutes les données soient transmises sur le réseau.
Gestion du cycle de vie
Les « objets » de l’IoT peuvent avoir des cycles de vie très longs par rapport aux équipements informatiques et aux smartphones qui restent rarement en service plus de quelques années. Les objets connectés à l’IoT peuvent être déployés pendant une décennie ou beaucoup plus. L’idée d’exploiter un réseau public susceptible de disparaître au cours du cycle de vie du produit est un obstacle pour de nombreuses catégories d’équipements et de cas d’usage. En choisissant une architecture de réseau privé, les entreprises prennent le contrôle de leur destin en possédant leur propre infrastructure au lieu de louer une infrastructure qui pourrait être remise en question à cause d’un changement de technologie ou d’un modèle commercial défaillant.
Le choix et la flexibilité sont les moteurs du succès
La possibilité de choisir entre les réseaux publics, privés et hybrides semble être la formule gagnante pour les applications IoT. Toutes les entreprises ne sont pas en mesure d’installer, de gérer et d’entretenir leur propre infrastructure et se tourneront vers le modèle de location et d’exploitation (OpEx). D’autres ont la capacité de « posséder » leurs réseaux et peuvent se tourner vers un modèle davantage basé sur les dépenses d’investissement (CapEx), tout en tirant parti des avantages de l’intelligence périphérique (edge computing) et d’un réseau entièrement sous contrôle. Certains projets qui en sont encore à la phase pilote ont réussi à passer à des modèles de réseaux privés et un nombre croissant de projets utilisent une approche hybride d’infrastructures de réseaux publics et privés. Au final, c’est la possibilité de choisir l’architecture et le modèle financier qui correspondent le mieux aux besoins de votre entreprise qui déterminera le succès et l’ampleur de l’IoT dans son ensemble.